braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

samedi 23 mai 2015

LETTRE A UN AMI ET CAMARADE

Un ami m'avait envoyé un écrit dans lequel il développait ses réflexions sur la crise algérienne et m'avait demandé ce que j'en pensais. Voici ce que je lui avais répondu :


Très cher ...

Merci pour ton message et pour ton exposé. 


Je suis d'accord avec toi sur l'analyse -excellente- que tu fais du populisme, cette maladie infantile de l'Algérie (que je choisis d'appeler le plébéio-nationalisme, puérile glorification du petit peuple, de la plèbe, à quoi on a réduit le nationalisme véritable, c'est-à-dire la volonté de construire une nation moderne et pérenne). J'ai été souvent porté à me demander si cette aberration ne ressortissait pas de l'influence dominante de la capitale où le poids des couches déracinées, déclassées et marginalisées a toujours été très important. Deux épisodes à plus de 50 ans de distance paraissent le montrer : la soi-disant bataille d'Alger (où tout sens politique semble avoir été submergé par la volonté de rendre coup pour coup, dans une sorte de western où les houmistes à la Omar-Gatlatou-er-redjla ont entraîné le PCA, les libéraux algériens et européens ainsi que toute l'organisation FLN dans leur fuite en avant) et l'ascension fulgurante du FIS algérois avec ses dirigeants ignares et incroyablement jusqu'au-boutistes.

S'agissant de la construction de la nation, ne penses-tu pas que nous sommes encore prisonniers de la vision typiquement française qui veut que la nation s'édifie à partir d'un centre politique ? Ce que l'on nomme par raccourci le jacobinisme centralisateur ? (Mais la Convention n'a fait que poursuivre le travail accompli au moins depuis Louis XI, c'est-à-dire la soumission progressive de la périphérie plurielle à un centre unique et normatif). Cette vision a bien fait les affaires de notre pouvoir d'état qui a jusqu'à présent dissimulé sa véritable nature de despotisme oriental sous des apparences d'État jacobin. Le concept d'État moderne est synonyme de redistribution des pouvoirs au sein de la société. Or, de ce côté, il n'y a rien à attendre de la caste militaro-compradore qui règne en maître sur notre pays ; d'autant moins à en attendre que le pouvoir d'État est le lieu de la réalisation de la rente avec la formidable corruption qu'elle génère. Il faut, dès lors, avoir l'audace de penser l'édification de la nation à partir de la base ; ce qui suppose de travailler à l'affaiblissement du pouvoir despotique.

De la même manière, je pense que nous avons le devoir de produire une évaluation plus objective de la colonisation française. Le mouvement national moderne, à partir de l'émir Khaled, a été le fait des avant-gardes formées par l'école française ; ce qui veut dire qu'en même pas un siècle, les Algériens ont commencé à accéder à une conscience politique moderne, alors que ce processus a pris des centaines d'années à d'autres peuples. Comme nous devrions produire une évaluation tout aussi objective des 3 siècles de domination ottomane à laquelle on fait très rarement référence, comme si les diktats de Mouloud Kassim -qualifiant cette domination de « nationale »- avaient toujours cours. Et pourtant, il y aurait à dire sur cette séquence historique et ses graves séquelles : confiscation du pouvoir par une junte (les Janissaires), économie de prédation (piraterie et pression fiscale), exacerbation des rivalités tribales (tribus ra'iya contre tribus makhzen), etc..


Je ne suis pas d'avis de considérer l'ANP comme une institution étatique (d'ailleurs, il n'y a pas d'institutions au plein sens du mot, chez nous). L'ANP est encore et toujours un appareil répressif obéissant à une logique, même pas étatiste, mais clanique et régionaliste. L'ANP est toujours à l'est comme la SM est toujours à l'ouest et à la Kabylie : l'héritage des équilibres de Boukharrouba court toujours. L'épisode tragique du FIS a illustré avec éclat cette vérité : le FIS a bien passé un accord avec l'ANP, via Bendjedid (cf les révélations de Taleb Ahmed); mais la SM, de concert avec les officiers du cadre français tractés par Larbi Belkheir, a promptement saboté cet accord et mené la répression dans les deux sens.

Pour réprimer les islamistes, la SM et l'ANP ont utilisé les mêmes méthodes que celles de l'armée française durant la guerre d'indépendance. Combattre la barbarie par les moyens de la barbarie est une aberration que la simple conscience morale ne peut admettre. En outre, du point de vue politique et idéologique, c'est un désastre : l'hypothèque de l'islamisme n'est pas levée pour autant et les blessures terribles de cette guerre ne sont pas près de se refermer. Les islamistes sont partis à l'assaut du pouvoir ; le pouvoir -la SM- a réussi à détourner la violence qui le visait, sur la société, la divisant ainsi davantage. À mon avis, toutes ces choses maléfiques nous reviendront en pleine face dans les années qui viennent.

Voilà, cher ..., quelques considérations que m'inspire ton texte trop riche pour être ramené à ces quelques points ; mais je voulais te répondre sur quelques questions que je trouve essentielles.

Porte-toi bien, cher ami et à bientôt.


vendredi 22 mai 2015

RADICALITÉ DE GAUCHE : QUELLE RADICALITÉ ? QUELLE GAUCHE ?

Il y a quelque temps, des camarades m'ont fait parvenir un texte politique sur lequel ils me demandaient de donner mon avis. Il s'agissait d'un écrit appelant à la constitution d'une « radicalité de gauche » en Algérie. Voici les remarques que j'avais faites sur ce texte. Peut-être intéresseront-elles des lecteurs du blogue…

Old Nick
1 - Les déformations de type sectaire et za'imistes chez nous sont si profondément ancrées dans les comportements, que je crains que le seul fait de nommer la forme que devrait prendre le mouvement réel (Front de Gauche) ne vaille pour certains autorisation et incitation à la créer, et ce malgré les mises en garde très claires du texte contre un Front « proclamatif ».

2 - Il est à craindre, en effet, que si l'on fixe dès le départ un tel objectif au travail militant (faire advenir un FG), alors il sera difficile d'éviter la répétition de ce contre quoi le texte met en garde : les mouvements sociaux multiformes pourront sembler de moindre importance s'ils ne sont pas organisés -et alors on précipitera, dans un mouvement spontané, la pose du cadre organique-, alors que l'essentiel, pour l'heure, c'est de bien prendre conscience que ces luttes ne sont pas moins nobles parce qu'inorganisées, qu'elles sont d'une grande variété (et cela est profondément nouveau), qu'elles produiront leurs leaders et se donneront les formes qui ne seront sûrement pas ce que les prescripteurs de tous bords voudraient qu'elles soient.

3 - Peut-être, alors, faudrait-il apporter une première inflexion à l'économie du texte afin d'affirmer avec plus de force encore le primat absolu des luttes sociales et citoyennes sur la nécessité de les organiser. (Ne rien faire qui puisse contrecarrer le libre développement de ces luttes : respecter leurs chefs et consentir aux types d'organisations qu'elles se donnent ; ne pas essayer de les ramener dans le giron de l'Ugta si elles créent un syndicat libre, par exemple ; ce que les militants de gauche aguerris ont à faire, c'est d'être dans le mouvement, l'accompagner clairement et franchement en évitant de se mettre en avant, de le confisquer, afin d'être en position morale de dispenser, le moment venu et avec le tact voulu, quelques conseils.)

4 - La seconde inflexion consisterait à consacrer un développement plus important à « l'horizontalité ». Développer l'horizontalité, c'est ouvrir la voie à l'initiative créatrice des masses en mouvement, c'est promouvoir les nouvelles formes de liaison et de coordination que permettent les technologies modernes de la communication, c'est aussi et du même coup se prémunir contre le verticalisme centralisateur, étouffoir du mouvement spontané. (Prendre garde à ne pas reproduire la critique léniniste du spontanéisme de Rosa Luxembourg : le contresens historique serait patent car Lénine avait en vue un objectif stratégique, l'édification d'un parti d'avant-garde en forme d'armée disciplinée afin de s'emparer du pouvoir ; alors qu'il s'agit, dans le cas qui nous occupe, de lever tous les obstacles au libre développement du mouvement de masse, condition sine qua non pour amorcer une ère de changement.)

5 - Pourquoi préjuger de la forme et de l'appellation du mouvement social et démocratique ? "Hta yizid ou nssamouh Saïd", comme on dit du côté de chez moi ("Quand il sera né on l'appellera René", si on veut un équivalent !). Nommer n'est pas neutre et, en l'espèce, c'est déjà annoncer la couleur pour ainsi dire. Le risque de réactiver les réflexes anciens est d'autant plus présent qu'il est question de Front de Gauche et de large Front National que d'aucuns transposeront automatiquement dans le binôme kominternien Parti communiste-Front national démocratique. Peut-être faudrait-il parler plutôt de convergence des luttes sociales ? (Les communistes espagnols avaient utilisé ce terme.)

6 - D'autre part, quel est au juste le contenu politico-idéologique de cette notion de FG ? Est-il autre chose qu'une resucée des recettes du socialisme -lesquelles ont fait la preuve de leur faillite ? C'est un gros problème qui se pose là et qui n'est pas que théorique. En effet, de la définition de ce contenu procédera tout le reste.

7 - À titre personnel, je proposerais que l'on parte des notions de société libre (référence à l'"association de producteurs libres", d'Old Nick) et de dépérissement de l'État, pour en faire les discriminants fondamentaux en matière tactique et stratégique : qu'est-ce qui fait avancer vers ces objectifs ultimes ? Ainsi, par exemple, tout ce qui tend à renforcer le pouvoir de l'État sur la société doit être combattu. (Il faut ruiner le mythe démobilisateur et meurtrier du tout-État : quand l'État soviétique s'est effondré, des millions de Russes n'ont eu d'autre solution que de mendier ou prostituer leurs filles et ce parce qu'un État-Léviathan a complètement écrasé la société civile pour en faire une masse d'assistés ; on peut en dire autant de l'Algérie où à la faveur d'une prétendue menace, délibérément et savamment gonflée, chacun s'est empressé de se mettre sous la protection de l'armée et de la police politique, s'interdisant du même coup toute forme de contestation des pratiques de ces deux pouvoirs et abandonnant lâchement ses prérogatives citoyennes.)

8 - De manière générale, c'est toute une critique de fond des théories et des pratiques socialistes qu'il faudrait mener en parallèle pour dégager le chemin à de nouvelles pratiques et leur éviter de se fourvoyer dans les ornières de ce qui est mort mais qui continue de peser d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants.

9 - Le lieu de rappeler, ici, que le mouvement de masse doit être appréhendé dans la totalité politico-sociale qui est la sienne. C'est dire autrement qu'il aura besoin de son intelligentsia organique propre, celle qui saura défendre les intérêts spécifiques du mouvement et des classes qui le composent, et qui se constituera dans la pratique même de ce mouvement (et non en laboratoire clos). Cela (appréhender le mouvement dans sa totalité) ne saurait se faire sans la production d'analyses fouillées sur les luttes de classes en Algérie. (Quelques interrogations qui me paraissent essentielles : quelles sont les classes fondamentales qui s'affrontent aujourd'hui, chez nous, structurant du même coup tout le champ politique et social ? Où en est le développement du capitalisme dans les campagnes et quels effets a-t-il sur la restructuration de la paysannerie ? La caste militaro-compradore au cœur du pouvoir : quelles sont ses alliances, nationales et internationales ? Etc.).

10 - À l'ordre du jour de cette intelligentsia, il y aura aussi et concomitamment, la lutte idéologique contre les mythes fondateurs du pouvoir prétorien qui se traînent encore. Il faut avoir le courage de s'attaquer au story telling de la caste militaro-compradore, le roman national frelaté et indigent qu'elle a concocté au fil du temps pour se légitimer. Il faut réhabiliter les grandes figures nationales passées à la trappe de l'historiographie officielle (Ferhat Abbas, cheikh Benbadis...), mettre en exergue le travail des formations politiques comme le PCA, l'UDMA... Tout un programme ! Où il s'agira de ne pas se laisser impressionner par les tabous, style 1er Novembre, Génération de Novembre, etc, lesquels d'ailleurs ne prennent plus avec les nouvelles générations.

11 - Ne nous dissimulons donc pas que cela suppose d'en avoir fini une fois pour toutes avec l'idéologie plébéio-nationaliste, cette nuit où tous les chats sont gris, cette nuée faite de mensonges, de raccourcis, d'éruptions météoriques de nationalisme de bazar, qui empêchent encore de voir le pouvoir politique algérien sous sa véritable nature. (Dur travail de révision pour les vétérans des mouvements progressistes surtout, encore largement infectés par ce nationalisme plébéien qui les a souvent empêchés de saisir les enjeux politiques sous l'angle de la lutte des classes.)

12 - Un dernier mot : le texte parle de "radicalité" ; c'est exactement le terme clé d'une démarche qui se voudrait réellement et profondément novatrice. Souvenons-nous que c'est sa radicalité qui a valu au FIS le soutien populaire large dont il a bénéficié. L'enjeu est donc tout simplement : forger une radicalité progressiste et civilisée.







jeudi 21 mai 2015

LE MAQUIGNONNAGE BENDJEDID/FIS : SI LE BTS M'ETAIT CONTE...


La traversée des Portes de fer
La chaîne de télévision qatarie "El Jazeera" vient de diffuser, dans le cadre de sa série "Chahidoun 'ala el 'asr" -Témoin du temps-, un entretien avec Ahmed Taleb, ancien ministre algérien (de l'Éducation, de la Culture, des AE...). Ce dernier révéla qu'en janvier 1992 -après le premier tour des funestes élections législatives-, il reçut plusieurs fois la visite de Abdelkader Hachani, principal dirigeant du FIS qui lui demanda de faire parvenir au président Bendjedid le message suivant : 1) le FIS se contentera des 187 voix obtenus au premier tour des élections; 2) il demandera à ses militants de faire campagne et de voter, au second tour, pour les candidats du FLN ; 3) il ne briguera pas le poste de Premier ministre -pour lequel il proposera Hocine Aït-Ahmed ; 4) il se contentera de trois portefeuilles ministériels : l'Éducation, la Justice et les Affaires sociales.


A. Taleb, qui n'avait plus, dit-il, l'oreille du président, chargea le beau-frère de ce dernier (Abdelhamid Mehri) de la mission. Trois ou quatre jours après, Bendjedid était démis par le collège des prétoriens (qui venaient justement de tenir un conclave secret, comme à leur habitude quand la situation est chaude).


Ces révélations corroborent ce que les observateurs les plus perspicaces avaient subodoré à l'époque des faits : la réalité du marché conclu entre l'armée et le FIS en vertu duquel la société serait livrée pieds et poings liés à ce dernier pour qu'il lui fasse faire une remontée dans le temps propre à la décérébrer définitivement. Tout le projet du FIS est, en effet, contenu dans cette modeste -en apparence- revendication : 3 ministères. Mais quels ministères ! L'Éducation pour plonger l'enfance et la jeunesse dans l'abrutissement religieux ; la Justice pour appliquer la chari'a ; les Affaires sociales pour l'assistanat caritatif. Économie ? Production ? Environnement ? Développement technologique et scientifique ? Les pieux salafs n'avaient pas besoin de toutes ces choses compliquées pour vivre, allons !



La monstruosité d'un tel marché de larrons, passé dans le dos de la société civile, a de quoi révolter. Et que des hommes cultivés et civilisés comme le docteur Taleb et A. Mehri se fissent les entremetteurs des salafistes ignares et de leur projet insensé est encore plus révoltant. (Ici même, nous avions rapporté l'information suivante : une cellule du FIS démantelée par la police comprenait dix médecins et un servant de salle ; c'est ce dernier qui était le chef de la cellule.) La soumission servile des intellectuels et lettrés devant la plèbe et l'ochlocratie (du FLN ou du FIS) a fait des ravages, empêchant, entre autres, le pays d'intérioriser la nécessité de la division sociale du travail.

[Chez nous, en effet, tout le monde s'estime compétent pour occuper n'importe quel poste. Mohamed Harbi faisait très justement remarquer que la société algérienne était devenue une société de parvenus : des présidents quasi analphabètes, des professeurs d'université qui n'ont pas fait d'études, des PDG, des préfets, etc. qui ne doivent leur poste qu'à leur appartenance au clan, tout cela a fait oublier aux gens ce qu'il en coûte d'efforts et de sacrifices terribles pour parvenir- dans un pays "normal"- à ce niveau de responsabilité.]


C'est dire si le mal est profond. Quoi qu'il en soit, l'armée était prête à vendre à vil prix la société algérienne à des barbares. Qu'en disent donc les thuriféraires de l'armée, ceux qui n'arrêtent pas d'encenser "notre glorieuse ANP, digne héritière de l'ALN" ?  



Sauf que le pacte satanique en question a été sabordé par des militaires, direz-vous. En effet. Et précisément par un quarteron de généraux issus du cadre français (Lamari, Nezzar, Touati, L. Belkheir...), épaulés par une partie de la SM (Médiène, Smaïl Lamari) et avec l'aide discrète de la France. Pour la clarté des choses, il faut avoir le courage de relever, ici, que les protagonistes de ce maquignonnage entre le FIS et l'armée -Bendjedid, 'Abassi, Hamrouche, Mehri, Taleb, Hachani, puis Zéroual (qui rendit visite à 'Abassi et Belhadj dans leur prison de Blida, puis les fit transférer dans la résidence princière de Djnène el mithak), Betchine, Derradji...- était une affaire entre gens tous issus de l'est du pays. 

Cette remarque provoquera de l'urticaire chez certains, des dénégations indignées chez les hypocrites qui font semblant d'ignorer que le tribalisme régionaliste a perverti depuis longtemps -depuis toujours, en fait- la pratique politique des Algériens. (Dans le Majliss echoura du FIS, combien y avait-il de membres issus de l'ouest ? Un seul dont le 1er Ministre, S.A. Ghozali entreprit avec succès de récupérer l'entourage oranais; ce qui ne fut possible que parce qu'il a dû leur représenter ce qu'était la nature régionaliste réelle du FIS). Et Hachani lui-même -lui que l'on donne comme le cerveau du FIS et dont l'oncle était colonel de la SM- n'a-t-il pas organisé le congrès du FIS à Batna ? La lourde symbolique du choix du lieu n'échappe à personne.



Dans les livres de géographie d'antan, il était question d'une Algérie orientale et d'une Algérie occidentale, séparées par une dorsale appelée les Bibans -en arabe bibane el hdid, les Portes de fer. Deux défilés étroits séparaient l'Algérie orientale de l'Algérie centrale en sorte que le passage de l'une à l'autre n'était possible que contre paiement d'un droit aux tribus gardiennes. Les Turcs s'en acquittaient pour passer à l'est et le maréchal Vallée, en compagnie du duc d'Orléans, franchit les Portes de fer en 1839, en violation du traité qui reconnaissait à l'émir Abdelkader la pleine souveraineté sur l'Algérie occidentale et centrale. Ce forfait ne fut possible que grâce  à l'entremise du bachagha El Moqrani qui persuada les tribus gardiennes des défilés de laisser passer la colonne française. C'est ainsi que l'émir ne put faire, comme il en avait le projet, jonction avec l'est du pays.

Cette trahison historique, le bachagha  El Moqrani en paiera le prix fort -très fort- quand les Français se retourneront contre lui. (Lors de la grande révolte des Kanaks, son frère Boumezrag, banni en Nouvelle Calédonie, passera lui aussi aux Français et participera à la répression des insurgés autochtones).


Au demeurant, la réalité des deux Algéries était déjà présente dans l'antiquité, au temps des royaumes numides : le royaume massaessyle de Syphax couvrait toute l'Algérie occidentale et centrale ; celui, massyle de Massinissa, l'est algérien. Et quand Syphax passa alliance avec Carthage pour contrebalancer la puissance romaine, Massinissa passa, lui, à Rome. S'il avait rejoint l'alliance carthaginoise, peut-être que la face du monde méditerranéen en aurait été changée...



Il appartiendra à la colonisation française d'unifier l'Algérie et de lui donner ses frontières actuelles. La guerre d'indépendance (pour la libération, on repassera), avec ses planqués d'Oujda et de Ghardimaou, réactivera le tribalisme régionaliste et la persistance d'une Algérie coupée en deux qui se présente encore devant nous sous les espèces du BTS (Batna-Tébessa-Souk-Ahras) et du NTM (Nédroma-Tlemcen-Msirda).


P.S. Qu'en dit le FFS dont le chef est proposé comme Premier ministre par Hachani ?

dimanche 10 mai 2015

GRANDIOSE RUSSIE



Quand le péril nazi se mit à grandir, Joseph Staline commanda (1938) à Sergueï Eisenstein un film sur la célèbre bataille du lac Peïpous (avril 1242), dans laquelle le prince Alexandre Nevski défit les chevaliers teutoniques. L'Ordre des Chevaliers teutoniques, adossé à la la papauté et au Saint Empire romain-germanique, était parti à la conquête de la Russie pour la catholiciser. On sait ce qu'il advint de cet Ordre de fer dont la cavalerie lourde -chevaux caparaçonnés, cavaliers murés dans une armure étanche- préfigurait les divisions des Panzers de Hitler. A. Nevski contraignit l'ennemi à se battre sur le lac gelé dont la glace céda sous le poids de la cavalerie teutonne, l'engloutissant sans retour. C'en fut fini de l'armée teutonne et des velléités papales d'éradiquer les orthodoxes chrétiens.





Mais, dit Hegel, Ce que nous apprend l'histoire, c'est que peuples et gouvernements n'ont jamais rien appris de l'histoire : 600 ans plus tard, le nabot-ogre corse rassemble une formidable armée de 600 000 hommes et le voilà parti à la conquête de la Russie. L'armée russe, commandée par le général Koutouzov, refusa autant que possible l'affrontement -il y en eut un seul, terriblement meurtrier pour les deux camps, celui de Borodino-, entraînant la Grande Armée du nabot toujours plus profondément à l'intérieur des terres. Quand il faudra bien amorcer la retraite, ce sera l'hiver. Et le nabot-ogre -auquel les historiens français prêtent tant de génie militaire- n'avait pas prévu cela. Koutouzov et ses hommes ne laisseront de la formidable armée de 600 000 soldats que 90 000 vivants et l'ogre fuira -comme il avait détalé devant les Mamelouks en Egypte-, abandonnant son armée et traversera l'Europe incognito, déguisé en simple quidam.



Quand Richard Sorge -espion soviétique en poste à l'ambassade d'Allemagne à Tokyo- donnera l'information suivante : l'Allemagne attaquera l'URSS le 22 juin 1941, Staline ne voulut pas y croire. Sûrement parce qu'il pensait qu'Hitler ne commettrait pas l'erreur de mener une guerre sur deux fronts. Staline n'avait peut-être pas lu Hegel… L'opération Barbarossa commença le 22 juin 1941 : des moyens infernaux avaient été mobilisés par Hitler contre l'URSS. Quatre millions de soldats allemands et 600 000 engins motorisés envahirent le pays des Untermenschen (sous-hommes) slaves promis à la disparition et/ou à l'esclavage, comme le clamait Hitler à ses généraux. Le choc fut terrible et l'armée soviétique battit en retraite jusqu'aux portes de Moscou et de Léningrad. Le 07 novembre 1941 (anniversaire de la révolution bolchevik), Staline fit un discours resté célèbre : larguant les références révolutionnaires, il en appela aux mânes de la Russie éternelle menacée dans son existence même. La Wehrmacht était à 30 km de Moscou et Hitler avait donné à ses généraux ordre de raser entièrement la ville et de créer un lac artificiel à sa place ! 



Mais Staline refusait de quitter la ville et, le soir, il prenait soin de garder la lumière de son bureau au Kremlin allumée pour que l'on sache bien qu'il était là. La suite est connue. Les centaines de milliers de citoyens creusant des tranchées autour de la ville et une contre-offensive de l'armée rouge qui rejeta, au prix de pertes énormes, la Wehrmacht à 200 km de là. Pendant ce temps, le siège de Léningrad commençait qui allait durer 3 années. La ville, approvisionnée seulement quand le lac Ladoga était gelé (à ce moment, les camions pouvaient rouler dessus), ne capitula pas, consentant des sacrifices inouïs.


Au sud, la VI° armée allemande s'apprêtait à prendre Stalingrad, sur la Volga ; mais retranchés dans l'usine de tracteurs, les hommes du commandant Eremenko, aidés par les habitants, tenaient tête à une armée dix fois supérieure en nombre et en moyens. Abcès de fixation qui sera, finalement, fatal à la VI¨armée qui sera capturée et son maréchal de chef avec elle.




Et comme R. Sorge avait donné le renseignement capital -à savoir que les Japonais n'attaqueraient pas à l'est-, Joukov put dégarnir le front extrême-oriental pour mener l'offensive qui mènera l'Armée rouge à Berlin.



Au total, la Wehrmarcht perdit 80 % de ses effectifs totaux sur le front russe. L'URSS perdit 27 millions de ses enfants (soit près de la moitié du total des morts -60 millions- de la guerre) ; elle compta quelque 56 000 villes et villages rasés et leurs habitants exterminés (cf l'admirable film d'Elem Klimov Viens et regarde). A titre de comparaison, les USA ont perdu 300 000 hommes, dont la plupart sont tombés dans le théâtre de guerre du Pacifique.



Devant cette épopée grandiose, devant ces sacrifices immenses, qui ne s'inclinerait pas en signe de respect pour ce peuple russe ? Justement, il se trouve des nains -les dirigeants occidentaux- pour refuser de participer à l'hommage rendu à la patrie russe. Ces coolies qui n'ont même pas le front de relever les humiliations que leur inflige à tour de bras le criminel Netanyahu. Tant mieux. La présence de nains à cette fête de géants l'aurait ternie. Car  il y avait là la Chine, l'Inde, les républiques musulmanes de l'ex-URSS et l'Amérique latine. Rien moins que le monde nouveau en préfiguration. La commémoration du 70° anniversaire du triomphe de la Russie sur l'Allemagne nazie fut grandiose, comme vous pouvez le voir sur cette vidéo. (Mais est-il si étonnant, finalement, que les dirigeants occidentaux préfèrent la compagnie des néo-nazis de Kiev ?)