braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

mercredi 29 janvier 2014

MÉMOIRE EN FRAGMENTS : CHRONIQUES SALADÉENNES (2)




LA MAISON

Alors que le M'saada du bas était une véritable petite agglomération, celui du haut était formé de maisons dispersées dans l'espace à flanc de coteau, distantes entre elles de centaines de mètres, parfois. Je présume que c'est la crainte des inondations de l'oued qui avait poussé certains des M'saada à s'établir sur sa rive droite ou le terrain était pentu. Notre maison était contiguë à deux autres, celles de mes deux oncles Saïd et Cheikh, les frères de mon père. Notre maison se réduisait, à vrai dire à une seule grande pièce avec un petit espace extérieur tenant lieu de cuisine. Celles de mes oncles, pareillement. Les maisons voisines les plus proches étaient à deux cents mètres de là environ, l'une à l'ouest, l'autre au sud ; c'étaient celles de mes deux beaux-frères, les maris de mes sœurs. Une autre au nord, c'était celle de notre voisin le plus proche, Bendelhoum.

LES NOCES BARBARES

Mes deux oncles, Saïd et Cheikh, étaient, en vérité, les cousins germains de mon père. Ce dernier, orphelin de père et abandonné, avec son jeune frère, par une mère qui n'attendit même pas un délai de décence pour convoler avec un transhumant riche, fut recueilli par son oncle, Habib, le père de Saïd et Cheikh. Avant de trouver un havre chez son oncle, le jeune garçon avait traîné dans la région avec son petit frère, s'employant chez les colons, dormant à la belle étoile au hasard de leurs pérégrinations. Un jour, sur un plateau dénommé El Maïda -proche de Hammam-Bouhadjar- et alors qu'ils coupaient des roseaux pour les colons -roseaux qui devaient servir d'échalas pour pieds de vigne-, ils butèrent sur le cadavre d'un homme à demi dévoré par des charognards. Choc terrible. Ils s'enfuirent. Le soir même, le petit frère tomba malade. Il s'éteignit dans les bras de son frère quelques jours plus tard. C'est après ce drame que l'oncle parvint enfin à mettre la main sur le neveu dont il n'avait aucune nouvelle, un garçon qu'il savait trop fier pour demander l'aide de quiconque.

Cette histoire des deux petits garçons abandonnés par leur mère, ressassée par la gardienne de la mémoire, ma sœur aînée, créa chez moi un véritable complexe abandonnique. Je ne m'en apercevrai et ne serai capable de nommer la chose que bien des années après, évidemment. Ma sœur me racontait également comment le jeune garçon, mon père, dispersa à lui seul les noces barbares de sa mère, renversant les marmites, jetant le couscous aux chiens, faisant un tel chambard que le nomade dut aller épouser la fraîche veuve ailleurs que sous la tente du défunt. Et alors même que celle du transhumant était dressée sur les flancs de la montagne tutélaire, Aïcha Touila, à quelques coudées du douar, le jeune homme vint, encore, le soir, attaquer le campement à coups de pierre et obliger les réjouissances impies à se cacher encore plus loin.

Que la génitrice de mon père, la redoutable Saïdia, fût à ce point sans coeur me laisse encore aujourd'hui sans voix. Durant mon enfance, elle prit le nom et le visage de El-Ghoula, l'ogresse qui se repaissait du sang des enfants, monstre mythique qui voisinait dans nos contes avec Moulat Ed-Dar, la Maîtresse des lieux, celle qui protège la maison et ses habitants. Les choses devaient peut-être être plus nuancées que cela, mais ce que ma conscience d'enfant a retenu, c'était ce fait brut, inaliénable, inouï : une mère a abandonné ses enfants ! Dès lors, la hantise d'être abandonné ou de devenir orphelin, ne me quittera plus.

LES GRANDS-PARENTS D'ADOPTION

Mon grand-père par adoption -qui était donc mon grand-oncle, Habib- ne tarda pas à marier son neveu. Il lui choisit une jeune fille, vague cousine habitant du côté de Turgot, orpheline de père et de mère. Un couple de gamins se forma : elle avait treize ans, son mari, dix-sept.
Je n'ai pas connu mon grand-père Habib ; il fut emporté par l'épidémie de typhus qui décima la population arabe en 1941-42. Mais j'ai bonne mémoire de sa femme, ma grand-mère Kheïra, une petite femme énergique et affectueuse. Ma mère, qui était d'un mutisme absolu sur sa vie, ne tarissait pas d'éloges sur sa belle-mère, la femme qui lui avait tout appris, disait-elle. Le premier enfant que le jeune couple eut, une fille, ne sera pas prénommée Kheïra par hasard. Suivirent deux autres filles, alors que deux garçons ne survécurent pas. Quand, enfin, le premier garçon naquit vivant, il fut l'objet des soins et de l'attention maternels que l'on imagine aisément. J'arrivai cinq ans plus tard. Comme ma mère était encore empêtrée avec le premier qui ne quittait pas ses jupes et qu'elle serait bientôt enceinte de celui qui sera le troisième garçon, c'est ma sœur aînée qui me servit de seconde mère. Mariée, ma sœur n'avait pas d'enfants -elle n'en aura pas mais en adoptera. Je fus donc le bénéficiaire de son affection, débordante, jamais étouffante. Une chose ne manqua pas de m'intriguer chez elle : elle ne m'appelait pas par mon prénom, Mass'oud, mais par un autre, Lakhdar. J'eus le fin mot de l'affaire quand j'entendis, malgré moi, une conversation entre ma mère et ma sœur où il était question de moi. Ma sœur reprochait à ma mère d'avoir laissé mon père me donner le prénom d'un mort, en l'occurrence celui du petit frère de mon père qui avait expiré dans ses bras. J'appris ce jour-là donc que je portais le prénom de l'oncle que je n'ai pas eu. Porter le nom d'un mort ne m'a jamais gêné ; après tout, nous portons tous des noms de ceux que nous ne voulons pas voir tomber dans l'oubli. Cela étant, Mass'oud, le Bienheureux, que l'état-civil transcrira en Messaoud, était surtout le nom du saint éponyme de notre douar, Sidi-El-Mass'oud et, à ce titre, très usité chez les M'saada.

LE PUR BONHEUR

De cette période, je garde des images d'une netteté étonnante et d'une charge de bonheur inégalée. Je trottine derrière mon père qui chasse le lièvre à quelques pas seulement de la maison, dans son petit lopin de terre d'un quart d'hectare, planté en vigne ; les coups de feu ne me font pas peur. Je vois le lièvre faire une cabriole et je manifeste ma joie. Le chien de chasse de mon père furète partout.

C'est un mariage avec force réjouissances ; je suis dans les bras de la danseuse qui me porte et danse avec moi, pour moi ; c'est Bouziane, mon beau-frère, le mari de ma sœur cadette, qui a glissé un billet de banque dans le turban de la dame et m'a mis entre ses bras. Tard la nuit, alors que nous rentrons chez nous dans la calèche de Bouziane -tirée par une fière jument que tout le monde lui enviait-, je suis pris d'une très forte envie de pipi. Alors que je me soulage, non sans honte, sur le bord de la route, Bouziane me tire un coup de feu -à blanc- entre les jambes ; je sursaute si fort que je m'arrose littéralement, ce qui était le but visé. Ma sœur cadette, jeune femme d'une douceur et d'une discrétion infinies, faillit devenir folle, alors que Bouziane riait aux éclats. Quant à moi, j'en fus quitte pour une brûlure au mollet et beaucoup de honte de m'être aspergé. Mon beau-frère voulait sans doute me faire payer ma folle nuit ! Il était ainsi Bouziane, fantasque, un peu fou, d'une prodigalité et d'un courage rares. Bouziane était l'exact opposé de mon autre beau-frère, Ahmed, le mari de ma sœur aînée, d'un calme et d'une discrétion peu communs.


Je me revois jouant avec mon cousin, fils de mon oncle Saïd, Mohamed dit Jaqaq -il avait un an de plus que moi et il riait constamment- et ma cousine Bouhana, fille de mon oncle Cheikh -elle avait mon âge- dans le petit vignoble de mon père ; mon cousin s'amuse à mimer un geste dont je ne comprends pas le sens mais que ma cousine, elle, a très bien saisi qui se sauve en pleurant ; la maisonnée l'entendra dire que Jaqaq lui avait « fait des choses mal élevées ».

( A suivre)

dimanche 19 janvier 2014

MÉMOIRE EN FRAGMENTS : CHRONIQUES SALADÉENNES (1)



               SOUS LE SIGNE DE STALINGRAD


Février 1943. Le Grand Tournant de la Deuxième guerre mondiale vient d'avoir lieu. La VI° armée allemande commandée par le maréchal Von Paulus -capturé dans une cave- a capitulé. Stalingrad est libérée. Le dix de ce même mois, je faisais mon apparition. Mon père n'était pas là. Mobilisé en 39, démobilisé en 40, remobilisé en 42, il faisait la guerre quelque part, on ne savait où.

Plus tard, il me racontera une histoire qui me marqua de manière indélébile : il est chargé de surveiller des prisonniers allemands. L'un d'eux, un tout jeune homme, lui demande la permission d'aller embrasser ses parents et de les rassurer sur son sort ; ils habitent un village non loin de là. Mon père, dont le tour de garde finissait à 6 heures, demande à l'allemand de lui donner sa parole qu'il serait de retour avant la relève. Le prisonnier la lui donne ; mon père le laisse partir. Un quart d'heure avant l'heure fatidique, l'allemand n'était pas de retour. Mon père se voyait devant le conseil de guerre. Si pour un soldat, il n'était pas indiqué du tout de se trouver face à des galonnés pour qui la vie d'un homme ne compte pas, pour un soldat algérien, encore moins. À six heures moins cinq minutes, le prisonnier arriva en courant comme un dératé. Mon père m'a souvent raconté cette histoire. Il disait que cela aurait pu lui coûter très cher, mais qu'il ne savait pas agir autrement qu'en Arabe pour qui la parole donnée est sacrée.

J'aurai, très souvent, à l'occasion surtout des trahisons qui jalonnèrent l'existence de ma famille, de repenser à cette histoire. J'ai pensé surtout, en vérité, au soldat allemand ; lui qui tenait désormais le sort de son gardien entre ses mains -quel retournement que celui par lequel le vaincu est devenu libre et le vainqueur désormais soumis à la décision de son ex-prisonnier !- et qui a jugé supérieur à tout le respect de la parole donnée. Ce qui donnait raison à mon père. Sur la base de cette histoire, j'ai pu reconstituer grossièrement l'itinéraire militaire de mon père. Lui, à part cette anecdote, ne parlait jamais, au grand jamais, de cette guerre qui avait jeté le petit fellah algérien analphabète qu'il était dans des mondes insoupçonnés.

Quand il rentra en mai 45, le grand massacre qui se déroulait à des centaines de km de là -Sétif, Guelma, Kherrata, dans l'est du pays- donna des idées à certains colons locaux. Mon père ne dut son salut qu'à l'intervention anticipée de la gendarmerie qui vint l'arrêter pour l'incarcérer dans une brigade située à une quinzaine de km de là (Lourmel-El 'Amria), où il se trouva, ainsi, en lieu sûr ! Appartenant à la fois au mouvement réformiste musulman du cheikh Ben Badis et à la Cgt, sympathisant qui plus est du parti communiste, il cumulait les raisons de n'être pas en odeur de sainteté auprès de ceux que l'on nommera les Ultra-colonialistes. Le terme, qui sera abrégé en ultra, avait, sans doute, pour objectif de suggérer qu'il y avait colons et colons, que certains étaient d'honnêtes et paisibles citoyens quand d'autres étaient infréquentables. Un colon n'est-il pas d'abord celui qui s'installe sur les terres d'autrui et se les approprie en camouflant sa rapine sous des oripeaux juridiques ou religieux ? Le terme d'ultra-colonialiste est un pléonasme.

LES BÉNI-AMER

Le village colonial de RIO-SALADO fut créé par un senatus-consulte de 1859 sur une assiette de 3000 ha prélevée sur les terres des Béni-Amer. Les confédérations de tribus arabes Béni-Hillal et Béni-Souleym étaient originaires du Nejd (Arabie saoudite). Particulièrement fougueuses, elles razziaient jusqu'aux confins du Châm (en gros la Syrie actuelle) et de la Mésopotamie (l'Irak actuel). Dernières converties à l'islam, elles participeront au sac de La Mecque par les Qarmates (chi'ites de Bahrein prêchant le communisme intégral). Chassées par la sécheresse et la famine, elles s'étaient établies en Haute-Égypte où les califes fatimides chi'ites les avaient confinées sur la rive orientale du Nil. Leurs vassaux Zirides (dynastie de Berbères sanhajas fondée par Bologhine Ibn Ziri et régnant sur le Maghreb central) ayant abandonné le chi'isme, les Fatimides leur envoyèrent les tribus Béni-Hillal et Béni-Souleym pour les punir. Dans le même temps où ils se débarrassaient d'hôtes encombrants et particulièrement turbulents.

Entrés en Tripolitaine en 1050, les Arabes hillaliens rallièrent l'Ifriqiya (en gros, la Tunisie actuelle) en 1055 pour en découdre avec les Zirides. L'armée sanhaja fut écrasée par les redoutables guerriers hillaliens. Le royaume ziride avait vécu. Reprenant leur marche vers l'ouest (Taghriba), les Béni-Hillal n'atteindront le sud oranais que deux siècles plus tard. Là, ils côtoieront une importante tribu berbère, les 'Abd-El-Wad, qui servait de makhzen (assurer l'ordre et lever l'impôt) aux Almohades dans l'Oranie. Lorsque l'empire almohade implosa, les Abd-El-Wad érigèrent le royaume de Tlemcen avec Yaghmoracen Ibn Ziane à sa tête. Menacé par ses cousins mérinides qui avaient fait appel aux Arabes Maqil (originaires du Yémen) et qui lorgnaient lourdement du côté de Tlemcen, le fondateur du royaume zianide fit appel aux Béni-Amer qui deviendront son makhzen. La fortune de la tribu était, dès lors, faite.


 Les Béni-Amer s'installèrent graduellement dans la plaine qui s'étend de Tlemcen à Oran. Petit à petit, les intrépides et belliqueux guerriers vont se transformer en riches agriculteurs sédentaires. Léon l'Africain, au 15° siècle, disait d'eux : « Ce sont des hommes d'une grande bravoure et très riches. Ils sont dans les 6000 beaux cavaliers, bien équipés. » Les Espagnols les tiennent pour « nobles, seigneurs des Berbères et fiers », et Daumas, le consul de France auprès de l'émir Abdelkader, écrivait en 1839 : « Les Béni-Amer, possesseurs d'un pays immense et coupé de vallées fertiles se livrent beaucoup à l'agriculture et sont très riches en grains et troupeaux de toute espèce ».

Dès leur occupation du pays, les Ottomans engagèrent les hostilités contre les Béni-Amer : ils les chassèrent de la grasse plaine de la Mlta (d'Oran au Tessala) et y installèrent deux groupes faits de bric et de broc, c'est à dire d'éléments détribalisés nommés Douaïrs et Zmalas. Plus grave : les Ottomans prétendirent faire des Béni-Amer, en les scindant en deux entités, des tribus ra'ïas (soumises à l'impôt). La haine inexpiable que vouèrent désormais les Béni-Amer aux Ottomans justifiera l'alliance avec les Espagnols. Un des deux frères Barberousse, les maîtres de la Régence d'Alger, Aroudj Boukefoussa -le manchot- fut ainsi tué lors d'un affrontement avec les Espagnols et les Arabes coalisés, près du Rio-Salado. Durant toute la durée de l'occupation ottomane, les Béni-Amer ne cessèrent de guerroyer et de défendre leurs terres.

RIO-SALADO

Situé sur la route reliant Oran à Tlemcen -la future Nationale 2-, à 60 km de la première et à 80 km de la seconde, devenu rapidement commune de plein exercice, le village était promis à un bel essor. En effet, et en moins d'un siècle, Rio-Salado acquerra ses lettres de noblesse.

Fleuron de la colonisation, Rio-Salado brillait de mille feux à l'occasion de sa kermesse de Pâques et de sa fête des Vendanges durant lesquelles officiaient des vedettes du moment tels Xavier Cugat, Luis Mariano, André Reweliotty (chef du jazz-band qui accompagnait Sydney Bechet), Aimé Barelli et d'autres encore. Ce n'était assurément pas peu. L'autre titre de gloire du village était sa mention dans les livres de géographie des collèges et des lycées de France et de Navarre en tant que première commune viticole de France (distinction que lui disputait, toutefois, son voisin, Hammam-Bouhadjar). Le territoire de la commune était, en effet, une mer de vignoble ; la vigne régnait sans partage et servait, pour l'essentiel, à produire des vins à forte teneur alcoolique destinés au coupage des « piquettes » métropolitaines. La vigne payait bien et les fortunes des grands viticulteurs se constituèrent très vite. Le village de Rio-Salado possédait également cette particularité que la balance démographique penchait du côté du peuplement européen. Le senatus consulte de fondation prévoyait d'installer là 50 feux. En 1954, la population de la commune comptera 12 000 habitants, y compris les deux douars, Tounit et M'saada.



LE DOUAR M'SAADA (MESSADA)


Nous habitions alors le douar M'saada, -orthographié officiellement Messada- situé à peu près à égale distance des trois villages coloniaux, Rio-Salado, Turgot et Er-Rahel.
Le douar M'saada était distant de cinq km de son chef-lieu de commune, Rio-Salado. Il était divisé en deux parties par l'Oued El Maleh, la rivière salée, le Flumen Salsum des Romains : M'saada Fouaga, M'saada du haut, sur la rive droite du cours d'eau et M'saada Thata, M'saada du bas, sur la rive gauche.

Les Ouled-Sidi-El-Messaoud et les Oulad Bouameur, qui s'étaient regroupés dans le douar qui portera le nom des premiers, M'saada, étaient des fractions des Béni-Amer. Après avoir combattu les Ottomans -qui voulaient faire d'eux une tribu « ra'ïa », soumise à l'impôt- les Béni-Amer suivirent l'émir Abdelkader dans sa lutte contre les Français, y compris lors de sa retraite vers le Maroc où il pensait pouvoir rallier le roi à sa cause. Certaines fractions se désolidarisèrent, alors, de lui et ne lui suivirent pas. Celles qui lui emboîtèrent le pas au Maroc vécurent une tragédie : pourchassés par l'armée française et attaqués par les troupes marocaines, les Béni-Amer perdirent le contact avec le gros de l'armée de l'émir et se replièrent sur une montagne ; encerclés par l'armée marocaine, toutes les voies de retraite leur étant coupées, les Béni-Amer refusèrent de se rendre et de livrer leurs femmes et leurs enfants à ceux qui venaient de perpétrer contre eux une trahison aux allures d'apostasie ; alors, ils passèrent au fil du sabre leur progéniture et leurs femmes et se battirent ensuite jusqu'au bout. Après la reddition de l'émir, les rescapés de cette expédition négocièrent avec les Français leur retour au pays où ils découvrirent qu'ils avaient été expropriés en vertu d'un séquestre. 
Durant mon enfance et bien après, j'entendrai toujours les M'saada parler de sikiss -déformation du mot séquestre.


Les M'saada faisaient vraisemblablement partie des fractions Béni-Amer qui avaient suivi l'émir au Maroc car comment expliquer autrement leur exécration du royaume chérifien ? Spoliés plusieurs fois de leurs terres au gré des arrivages de migrants européens, surtout espagnols, les M'saada finirent par s'établir dans cette zone sablonneuse et inhospitalière, entre montagne et oued aux eaux saumâtres et aux débordements ravageurs.

(A suivre)

mardi 7 janvier 2014

POGROM DANS LA FRANCE DE 2014 !


« À l'aide du jugement des saints et des anges, nous excluons, chassons, maudissons et exécrons Baruch de Spinoza avec le consentement de toute la sainte communauté en présence de nos saints livres et des six cent treize commandements qui y sont enfermés (...) Qu'il soit maudit le jour, qu'il soit maudit la nuit ; qu'il soit maudit pendant son sommeil et pendant qu'il veille (...) Veuille l'Éternel allumer contre cet homme toute sa colère et déverser contre lui tous les maux mentionnés dans le livre de la Loi ; que son nom soit effacé dans ce monde et à tout jamais et qu'il plaise à Dieu de le séparer de toutes les tribus d'Israël... Sachez que vous ne devez avoir avec Spinoza aucune relation ni écrite ni verbale. Qu'il ne lui soit rendu aucun service et que personne ne l'approche à moins de quatre coudées. Que personne ne demeure sous le même toit que lui et que personne ne lise aucun de ses écrits.»

C'était là le texte, effrayant de violence et de haine, du herem -excommunication- prononcé par le Mahamad -conseil de la communauté juive d'Amsterdam- contre le philosophe Baruch Spinoza, en 1656. À quatre siècles de distance environ, il suffit de remplacer le nom de Spinoza par celui de Dieudonné, pour retrouver le même climat de haine et de soif de vengeance. Avec la légère différence, toutefois, que Dieudonné trouve, ligués contre lui, le Mahamad et le pouvoir d'État soi-même.

Sous la houlette de deux ministres régaliens appuyés par le président de la République ainsi que par des forces supplétives innombrables -en fait, pratiquement la totalité de ce qu'il est convenu d'appeler la « classe politique »- plus l'archevêque et le maire de Paris, une manière de chasse à courre a été lancée. La meute de chiens est formée de journalistes et d'hommes -et de femmes- politiques ; le renard est l'humoriste Dieudonné Mbala Mbala. (En vérité, ils sont deux, les renards traqués par la horde médiatico-politique : Dieudonné et Alain Soral, intellectuel de haute volée dont les productions livresques se vendent par milliers. Mais au pays de Descartes, il est de bon aloi de procéder selon les préconisations du Discours de la méthode : diviser la difficulté en autant de parcelles qu'il se peut pour la résoudre. Donc on isole Dieudonné pour le réduire à merci, Soral ne perdant rien pour attendre.)

Qu'ont donc fait les deux amis pour mériter pareil traitement ? Tout a commencé lorsque Dieudonné a commis un sketch où il ridiculisait un colon israélien qui vole sa terre à un Palestinien et que Soral commençait à approfondir une réflexion -dans le prolongement des analyses pénétrantes du sociologue marxiste Michel Clouscard sur le libéralisme libertaire- à propos de la domination de la finance juive dans le capitalisme financier contemporain. Alors, le décret de mort sociale a été pris contre les deux amis par le Mahamad local, en l'occurrence le CRIF et la LICRA, appuyés par l'UEJF et SOS Racisme, entre autres.

Ce que des milliards d'êtres humains peuvent voir en direct -la rapine de la terre palestinienne par des colons juifs et la domination de la banque Goldman Sachs qui désigne ses propres administrateurs à la tête de gouvernements européens-, on n'aurait donc pas le droit de le moquer ni d'en faire la théorie ? Quand Jacques Attali estime que le gouvernement mondial qu'il appelle de ses vœux devrait siéger à Jérusalem, dit-il autre chose que ce que dénonce Soral ? Quand un Premier ministre baisse la tête face aux admonestations et aux éructations du président du CRIF (comme ce fut le cas de J.P. Raffarin devant R. Cukierman), cela ne donne-t-il pas raison à Soral de dire que le vrai pouvoir en France est exercé par le CRIF et la LICRA ? Quand le président de la République se rend aux sacro-saints dîners du même CRIF, ne met-il pas à mort le concept de République citoyenne et laïque en consacrant par sa présence même la place éminente d'une communauté que les groupes d'influence qui prétendent parler en son nom veulent comme telle, c'est-à-dire entité sui generis, séparée du reste de la nation ?

Quand des journalistes citent les répliques de Dieudonné sans référence à ce qui les a motivées -c'est-à-dire, souvent, les propos inqualifiables de certains de leurs collègues-, ne donnent-ils pas raison à Soral qui affirme que les journalistes sont face à une alternative simple : prostitué ou demandeur d'emploi (lui, dit : pute ou chômeur ) ? Quand un journaliste du service public s'arroge le droit de sermonner son collègue en lui reprochant d'inviter à ses émissions Dieudonné, Soral ou Tarik Ramadhan, « ces cerveaux malades » (sic) et que personne dans la société bien pensante ne relève ces propos, faut-il s'étonner que l'on ne croie plus à la démocratie (qui a le sens d'égalité pour le commun des mortels) et que l'on parle d'une oligarchie médiatico-politique, un entre-soi où les journalistes et les politiques sont comme larrons en foire ?

Et ce n'est pas l'incroyable hystérie qui se déchaîne contre l'humoriste qui atténuera ce jugement. Hommes et femmes politiques de tout bord et journalistes institutionnels ont, en effet, dépassé les bornes de la servilité et du ridicule en consentant au discours insensé de la LICRA qui voit « un salut nazi inversé » dans un simple bras d'honneur ! Le Monde (de Pierre Bergé) et le Huffington Post (d'Anne Sinclair) sont à l'avant-garde de la meute et font flèche de tout bois. Pascal Bruckner, le néoconservateur du Cercle de l'Oratoire (l'aréopage qui a poussé et applaudi à la destruction de l'Irak), y a table ouverte et distille un discours d'une perfidie consommée : le racisme anti-Blancs existe, c'est l'antisémitisme. Allez les Blancs, Juifs et Chrétiens ! Tous ensemble contre les Arabes, les Noirs et les Jaunes !

Dieudonné raciste anti-Blancs, lui qui est né d'une mère bien blanche et bretonne ? À ce train-là, il devrait être qualifié de raciste anti-Noirs, de raciste anti-Arabes, de raciste anti-Jaunes, d'islamophobe, de beaufophobe, de blaireauphobe, de Pygméophobe.... car personne n'a été épargné par ses sketches féroces et néanmoins géniaux. Et il n'y a aucune raison que les Juifs le fussent. À moins, évidemment, de considérer qu'ils sont intouchables par décret divin. Le mythe suprématiste et raciste (pléonasme!) du peuple élu a la peau très dure, décidément.

L'emballement est tel que, dans le souci de complaire aux maîtres du jeu, c'est à qui proférera les plus incroyables âneries. Le -le nom de fonction est du genre masculin, n'en déplaise à la promotrice du mariage gay- Garde des sceaux vient d'inventer, ainsi, le délit de « complicité, après coup, de crimes contre l'humanité » dont se rendraient coupables les spectateurs de Dieudonné. Vous avez bien lu : après coup, c'est-à-dire rétroactivement. Un ministre de la Justice proférer une telle énormité ! Dans quel pays sommes-nous ? Pour ne pas être en reste, le ministre de l'Intérieur ( qui a contracté, dit-il, « une alliance éternelle avec Israël ») a envoyé une circulaire spéciale aux préfets de France et de Navarre les encourageant à interdire les spectacles de Dieudonné. Il y est dit : « ...Le respect de la liberté d'expression ne fait donc pas obstacle à ce que, à titre exceptionnel, l'autorité investie du pouvoir de police interdise une activité si une telle mesure est seule de nature à prévenir un trouble grave à l'ordre public. » Ce qui veut dire en clair : nous n'avons pas le droit d'interdire un spectacle à titre préventif, mais contre Dieudonné, à titre exceptionnel, nous prenons ce droit. Deux entorses à la loi perpétrées sans vergogne aucune. Dire que ce pays claironne encore qu'il est le parangon de la liberté d'expression...

Quand des ministres s'autorisent une telle désinvolture avec la loi, pourquoi un avocaillon (par ailleurs garde-frontières israélien, ces unités de soudards qui avaient ordre, venu d'Itzhak Rabin en personne, de casser à coups de gourdin les bras des enfants palestiniens lanceurs de pierres contre les tanks israéliens) ne se permettrait-il pas d'appeler carrément à l'organisation de troubles à l'ordre public devant les salles où se produirait Dieudonné ? Appel à attroupement et provocation d'attroupement est pourtant bien un délit puni par la loi ? Qu'en dit le bâtonnat parisien ? Rien. Qu'en disent les autorités compétentes ? Rien. Dans quel pays sommes-nous ?

Cela étant, les journalistes du courant dominant portent une très lourde responsabilité dans l'avilissement du débat politique en France. Parce qu'ils sont incapables de la moindre prise de distance avec leurs propos, parce qu'ils savent qu'ils jouissent d'une impunité de fait en s'alignant sur les donneurs d'ordre, ils ont dégradé et déconsidéré la fonction (qui est d'informer honnêtement, faut-il le rappeler). Quoi d'étonnant, dès lors, à ce que beaucoup d'entre eux s'exonèrent des règles les plus élémentaires de la déontologie et du simple savoir-vivre. Eux qui répètent, après leurs maîtres, que Dieudonné porte atteinte à la dignité humaine dans ses sketches, ne se gênent aucunement pour insulter l'artiste : antisémite, antisémite récidiviste, nauséabond, nazi, néo nazi, nazillon... Ainsi, un participant à un débat sur une chaîne de télévision suisse peut-il dire de Dieudonné : C'est un nègre ! (sous-entendu il n'y a pas de quoi être étonné) sans être rappelé à l'ordre par le journaliste.

Après la Seconde guerre mondiale, la Hasbara (propagande) sioniste a entrepris une campagne de culpabilisation forcenée des jeunes générations européennes. Qu'ont à voir ces dernières avec la barbarie de cette guerre ? Aujourd'hui, cette stratégie de culpabilisation a atteint ses limites historiques. L'accusation d'antisémitisme a épuisé ses effets terrorisants car tant va la cruche qu'à la fin elle se casse : si l'antisémitisme est partout, c'est qu'il n'est nulle part.

L'américanisation de la vie politique française, commencée avec le départ du général De Gaulle, portait dans ses flancs deux périls majeurs : l'alternance entre blanc bonnet démocrate et bonnet blanc républicain -nous y sommes avec ce que l'on appelle justement le système UMPS-, et la domination des lobbies sionistes. C'est à cette aune qu'il faut mesurer le message de Dieudonné et de Soral : ils nous disent La France n'est pas les USA et la domination sioniste n'est pas une fatalité. C'est pourquoi ils font si peur à l'Etablissement. Et c'est pourquoi les gens d'honneur, les simples patriotes amoureux de leur pays et les anti-impérialistes conséquents se tiennent aux côtés de Dieudonné et d'Alain Soral.