braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

vendredi 19 juillet 2013



TRAGÉDIE ANTIQUE DANS LA MÉDINA : COLLINE 3

Une vie ne tient qu'à un patronyme. En Algérie, Halimi désigne indifféremment un musulman, un juif, voire un chrétien, sur cette terre qui vit naître saint Augustin Le détail est d'importance en 1962, à quelques semaines de l'indépendance de l'Algérie, alors que chacun est une cible pour l'autre.
Le jeune Samy Halimi est musulman, orphelin éduqué par les soeurs de l'Adoration perpétuelle, professeur remplaçant de français, latin, grec au lycée Cavaignac, asthmatique, plus proche du jeune Kafka que d'un moudjahid. Son salut, il le devra à l'ambiguïté de son nom, à son parcours atypique, et plus encore, à la chance. Mais à quel prix...

Messaoud Benyoucef (68 ans), professeur de philo, traducteur, réfugié en France depuis les années 1990, a accouché d'un superbe récit initiatique : Colline 3, du nom de la plus stratégique des dix zones politico-militaires établies par l'OAS, entre centre-ville européen (Michelet), quartier juif (mellah) et coeur historique arabe (médina). Dans ce huis clos se joue le drame algérien. 

Samy, aussi décontenancé que Fabrice à Waterloo, découvre en simultané le grand amour, la rébellion algérienne, l'OAS, la raison d'Etat et le secret de son enfance brisée. Le romancier conduit avec sûreté ce vaste programme en accéléré, mêlant avec brio les genres -scènes d'amour, règlements de compte dignes de westerns, dégagements sur Hegel, dialogues égrillards... - et bannissant une fois pour toutes le manichéisme. 

Mais le plus troublant, dans cette tragédie antique, est de constater que ce romancier algérien à la si belle langue est un pur produit de feu l'Algérie française. 

• Emmanuel Hecht 
L'Express, 14 mars 2012
Colline 3, par Messaoud Benyoucef
Alma éditeur, 476 p., 19 €