braniya chiricahua




L'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour. Dans ce clair-obscur surgissent des monstres.
Antonio Gramsci

mardi 15 avril 2014

NUIT ET BROUILLARD : NTM OU BTS ?

  

Article publié en juin 2013... et plus que jamais d'actualité.

Les Algériens vivent depuis plus d'un mois avec une présidence de la République en déshérence. Lorsque l'on sait le poids -exorbitant- du président de la République dans le prétendu système institutionnel algérien -en vérité, il n'y pas de système institutionnel, il n'y a qu'un despotisme primitif camouflé derrière des oripeaux institutionnels - la situation actuelle est paradoxale à plus d'un titre.

Les Algériens se sont-ils aperçus que le pays n'a pas été foudroyé ni pulvérisé en l'absence de « l'homme providentiel »? Les Algériens ont-ils compris le sens réel de cet état de faits ? À savoir qu'ils n'ont aucunement besoin d'un « sauveur », qu'ils ne sont pas de grands enfants indisciplinés demandant la présence d'un père fouettard afin de les sauver d'eux-mêmes. Les Algériens sont-ils, dès lors, capables de se pénétrer de cette réalité et d'en mesurer toutes les implications ? L'accès à leur être politique en tant que seule source de la souveraineté est à ce prix.

De manière générale, pourquoi l'absence du chef de ce qu'il faut plus sûrement appeler le makhzen algérien passe-t-elle inaperçue ? Il en est du pouvoir comme du système des vases communicants : plus il y en a à un bout, moins il y en a à l'autre. Plus il y a de pouvoirs concentrés entre les mains d'un seul homme, moins il y en a dans les institutions -et c'est bien pour cela qu'elles ne sont que des simulacres d'institutions. Plus il y en a dans les appareils de pouvoir et moins il y en a pour la société civile. Ce qui veut dire que ce système, qui empêche le libre déploiement du fluide du pouvoir, est thrombosé.

Habitués depuis 50 ans à vivre sans pouvoirs et sans droits, les Algériens, retirés sur l'Aventin du mépris, ruminent leur vengeance à l'égard de la caste militaro-policière qui leur a volé leur vie et l'avenir de leurs enfants. Et leur vengeance risque d'être terrible car, durant plus de soixante ans, on leur a seriné que l'on ne peut rien obtenir d'un pouvoir autrement que par la violence. Il s'agissait évidemment du pouvoir colonial, sourd, aveugle, lâche, génétiquement incapable de se placer dans le sens de l'histoire. Mais les pouvoirs arabes qui ont succédé aux pouvoirs coloniaux valent-ils mieux que leurs prédécesseurs ? Des penseurs et des révolutionnaires noirs et arabes avaient proposé, dans les années 70 et dans un cadre conceptuel fanonien, la notion de colonialisme intérieur pour caractériser les régimes post-coloniaux -ainsi d'ailleurs que les USA. On pourra toujours ergoter sur la validité de cette notion mais l'essentiel de ce qu'elle dit est ici : le mépris dans lequel ces régimes tiennent leurs peuples qu'ils privent de tous les droits civiques, politiques et économiques.

Il n'est que de voir la délectation avec laquelle les vrais maîtres du makhzen, c'est-à-dire la SM, préparent les prochains jeux de cirque au cours desquels s'affronteront leurs coolies, qui seront autant de lièvres et de leurres car la désignation du chef nominal du makhzen est de la seule compétence des maîtres. La désignation du dey d'Alger n'était-elle pas déjà de la seule compétence de l'Odjaq des Janissaires ? Maîtresse d'un jeu politique qu'elle a perverti à un point rarement vu dans les annales internationales, la SM, s'amuse à souffler le chaud et le froid, à envoyer des ballons-sondes, à souffler à ses larbins des médias des noms de probables futurs deys -Benbitour, Benflis, Hamrouche, Zéroual...-, à brouiller les pistes pour égarer les Algériens et leur faire croire que la situation est hautement indécise et gravement dramatique, dans le même temps où elle réprime par la violence et le complot tout mouvement citoyen libre sous le fallacieux prétexte qu'il participe d'une tentative de déstabilisation de l'Algérie par ses ennemis extérieurs. Antienne mille fois ressassée à laquelle ne font semblant de croire que les coolies de la SM.

L'alpha et l'oméga de la philosophie de la SM est -et a de tout temps été- son opposition à l'émergence d'un État civil de droit, ce qui passe par le torpillage systématique de toute tentative de bâtir des institutions pérennes. C'est cela la vérité de 50 ans de vie politique : l'impossibilité d'édifier un état digne de ce nom en Algérie parce que la SM ne le veut pas. Et il est, de ce point de vue, aussi faux que perfide de donner à croire (comme le font les officiers propagandistes de la SM) que les militaires de la nouvelle génération pourraient prendre l'initiative de défaire le système de l'Odjaq : d'abord parce que la SM fait régner la terreur en priorité sur l'armée ; ensuite parce que l'armée et la SM sont dans une relation ambivalente dans laquelle la SM garantit le pouvoir nominal de l'armée et l'armée, le pouvoir réel de la SM. Ces liens consubstantiels entre les deux appareils -l'ANP n'est pas une institution, elle est un appareil- sont aujourd'hui raffermis par leur gestion commune de la Grande Corruption : les rétro-commissions sur les contrats internationaux, l'accès discrétionnaire aux devises (un membre de la « famille » importateur de bière a accès aux devises ; un Algérien lambda atteint de cancer, lui, ne le peut pas), le monopole des activités stratégiques et fortement rémunératrices (les technologies nouvelles, le médicament...), etc.. Hocine Malti ne parle pas de Coupole mafieuse à la tête de laquelle trône le chef de la SM, pour rien !

La seule vraie question qui doit agiter les gens de la Coupole dans la conjoncture présente est celle de savoir si un retour de balancier vers le BTS est opportun ou non. Le BTS (clan de l'est symbolisé par les villes de Batna, Tébessa, Souk-Ahras) a connu une période faste durant le règne du roi-fainéant, Bendjedid, 13 ans, qui s'est achevé dans la guerre civile. Une tentative de prolonger la mainmise de ce clan sur le pouvoir par le truchement de Zéroual a vite avorté en provoquant une grave crise interne qui a poussé Zéroual à la démission. La voie était dès lors ouverte devant le clan de l'ouest tracté par Bouteflika, le NTM (Nédroma, Tlemcen, Msirda), dont le règne -14 ans- a marqué le tournant mafieux du makhzen. Voilà très exactement à quoi a mené la malédiction de l'assassinat de 'Abane Ramdane : le règne de soudards tribalistes et mafieux qui ont mené le pays à la guerre civile et à la généralisation de la corruption.

Croyez-vous que cela ait servi de leçon ? Pas du tout ! Le politologue de la SM, M.C. Mosbah, vient de se fendre d'une tribune dans la presse française dans laquelle il appelle de ses vœux le retour au pouvoir... de Zéroual, oubliant opportunément que c'est la SM qui avait terrorisé ledit Zéroual et poussé à prendre une prudente retraite s'il ne voulait pas subir le sort de Boudiaf.

La presse algérienne a fait état, parallèlement, d'une démarche qui a toutes les allures de la Moubaya'a (serment d'allégeance) médiévale et makhzénienne : 150 membres de la « famille révolutionnaire » ont sollicité une entrevue avec l'ex-président Zéroual, retiré sous sa tente dans les Aurès, pour le supplier d'accepter de revenir au pouvoir.

Cent-cinquante prébendiers qui s'arrogent le droit de décider à la place du peuple algérien ! Quel mépris pour ce peuple ! On a souvent parlé de la fameuse hiérarchie du mépris dans l'Algérie coloniale ; le système du makhzen algérien la reproduit, en effet, scrupuleusement.






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